LES PAYSAGES MACHINES
Dans cette série la question du paysage ne s'impose pas comme une évidence. D'une image à l'autre, elle est une toile de fond à laquelle on ne prête pas attention. À croire que le photographe se désintéresse des problématiques liées au paysage. Évidemment il n'en est rien, Cyril Entzmann choisit de se concentrer sur ce qui relève désormais du paysage montagneux : les domaines skiable et leurs infrastructures, qui y trouvent une place à part entière. Ces lourds systèmes de transport ou d'enneigement, liés au développement du tourisme de masse et indispensables aux amateurs de sports d'hiver, ont fini par s'inscrire dans le relief. Leur présence monumentale détermine le paysage, dont certains dénoncent l'aspect dénaturé. Mais Cyril Entzmann ne s'arrête pas à de telles considérations : au contraire, il souhaite interroger poétiquement ce paysage en allant s'y confronter lors des jours blanc ou de nuit en s'intéressant à la manière dont chaque élément (machineries, pylônes, dameuses, enneigeurs, câbles, télésièges, etc.) s'insère dans le milieu environnant, s'y fondant parfois même complètement. Son objectif est d'attirer notre attention sur l'émergence de paysages inédits qu'il s'agirait d'appréhender comme ce qui n'aurait encore jamais été vu ainsi. Le photographe cherche à conférer un aspect étrange, voire inquiétant, à tel ou tel détail. Cyril Entzmann conçoit le paysage comme pure hallucination : voilà ce qui distingue son travail du traitement qu'en proposent d'autres photographes, sans doute plus fidèles à la réalité topographique. Extraites de leur contexte d'origine, ces « paysages-machines » ne cessent de revendiquer une vie propre, en tout cas une existence potentielle à venir. Damien Truchot, Artnet